Le Divorce, au delà de ce qu’il peut représenter dans l’imaginaire de certaines personnes, idéalisant le mariage, demeure une véritable question sociale. Le nombre de divorces ne cesse d’augmenter et plusieurs facteurs peuvent en être à l’origine.
Certains d’ordre privé, tels que la mésentente, le désamour, parfois en raison de violences conjugales, ou encore d’adultère, mais aussi à cause d’une réalité sociale qui peut amplifier les problèmes que doivent affronter les couples au quotidien: la crise du logement, le chômage, la précarité, la cherté de la vie…etc.
Quel que soit la culture, l’âge ou la raison, le divorce reste une déchirure. Consenti ou unilatéral, on met du temps pour en guérir. On se sent vainqueur, vaincu, chamboulé, notre vie prend une tournure inattendue et il faut prendre le train en marche, avancer, ne pas se laisser abattre.
On l’évite, le craint, l’appréhende (et il y a de quoi). On mesure le pour et le contre, et une fois la décision prise, et le verdict prononcé, vient l’inévitable question … a-t-on bien fait? Même s’il y a bien évidemment des cas où on ne se pose absolument pas la question.
Le cachet solennel de la procédure accentue ce coté difficile : affronter la situation dans un Tribunal, en séance publique, faire face à un juge, aux avocats, à son ex, …le plaignant, l’accusé…ses mots retentissent comme pour un délit…puis se succèdent le sentiment de soulagement une fois l’épreuve terminée, et l’amertume d’avoir échoué dans une grande entreprise ; celle de construire une vie à deux.
LE DIVORCE, UNE DISSOLUTION DE MARIAGE
Le mariage est défini par l’article 4 du Code de la famille comme étant :
« un contrat passé entre un homme et une femme dans les formes légales. Il a entre autres buts de fonder une famille basée sur l’affection, la mansuétude et l’entraide, de protéger moralement les deux conjoints et de préserver les liens de famille ».
Si pour une raison ou pour une autre, la décision d’arrêter de vivre ensemble et d’être liés par ce contrat de mariage est prise, le divorce reste la seule alternative, permettant à l’homme et à la femme de se séparer en préservant au mieux les droits de chacun tout en mettant officiellement fin à leur relation de couple.
Ainsi le divorce est une dissolution de mariage (l’autre forme de dissolution étant le décès de l’un des conjoints). On peut compter 4 normes de procédures de divorce.
1. Le divorce par consentement mutuel
Il peut être demandé par les deux époux, par une requête conjointe, ou demandé par l’un et accepté par l’autre. S’il existe des cas où le consentement n’est pas avéré, la procédure a le mérite de durer moins longtemps.
2. La répudiation, divorce par la volonté de l’époux
C’est un privilège masculin. La religion permet à l’homme de dissoudre le mariage par une volonté unilatérale, ainsi, l’article 48 du code de la famille algérien est clair : Il intervient par la volonté de l’époux ou à la demande de l’épouse dans la limite des cas prévus aux articles 53 et 54.
3. Divorce par la volonté de l’épouse
L’épouse peut demander le divorce dans un certain nombre de cas : infirmité empêchant la réalisation du but visé par le mariage, condamnation du mari à une peine infamante privative de liberté pour une période dépassant une année, de nature à déshonorer la famille et rendre impossible la vie en commun et la reprise de la vie conjugale, absence de plus d’un an sans excuse valable ou sans pension d’entretien…Etc
4. Khol’â, divorce par le versement de la khol’â par l’épouse
L’épouse a aussi la possibilité de se séparer de son conjoint sans l’accord de ce dernier. Elle doit ainsi lui verser une somme, évaluée selon plusieurs critères.
JE NE T’AIME PLUS MON AMOUR !
Véritable machine judiciaire, aujourd’hui le divorce est plus rapide, bien que le Code de la famille hérité de 1988, ait introduit de nombreuses entraves. Ce Code est d’ailleurs le cheval de bataille des associations féministes qui y voient une régression majeure pour le droit des femmes en Algérie.
Le mariage, ce saint Graal de la société algérienne, pousse encore beaucoup d’individus à s’unir par les liens du mariage afin de ne pas se faire harceler par la famille, la société, l’entourage voire même les collègues. De nombreuses personnes tombent des nues, et se rendent compte qu’on ne se marie pas parce qu’il le faut, mais bien parce qu’on a trouvé la bonne personne.
Et comme le mariage, le divorce aussi est vécu de différentes façons dont chaque cas,selon le contexte, présente ses propres spécificités. Les difficultés rencontrés peuvent avoir pour origine la procédure en elle même, l’après divorce, souvent incertain, la prise en charge des enfants, les aspects financiers, mais aussi l’épreuve psychique qu’il représente pour beaucoup.
Elles nous en parlent
RADIA(*), 30 ans, divorcée depuis 3 ans et maman d’une petite fille de 6 ans a vécu le divorce à la fois comme une délivrance et une condamnation.
L’histoire remonte à 2009, année de son mariage avec Rafik. Son père fut content de marier sa fille à un garçon « de bonne famille ». La déception fut grande lorsqu’elle le rencontra la toute première fois, après la première visite de sa future belle famille. Traumatisé de son expérience dans l’armée, le garçon avait des troubles du comportement. Radia n’ose pas aller à l’encontre de la volonté de son père. Elle tombe enceinte et ses relations se dégradent avec sa belle famille et son époux en dépression chronique,
Le sujet est tabou, et son mari n’a aucun suivi médical, sa famille étant dans le déni.
Un jour, elle éclate en sanglot en visite chez ses parents et leur déballe toute l’histoire. Elle souhaite demander le divorce, son mari devient violent et sa santé physique et mentale ne cessent de se dégrader. « j’ai pris la décision de divorcer pour nous sauver, mon enfant et moi » nous confie-t-elle.
Après une procédure de divorce à la volée, à laquelle son mari ne s’est pas présenté, elle finit par obtenir le divorce « grâce à son avocat ». N’ayant ni les moyens d’habiter seule ni de s’occuper de sa fille, elle retourne vivre chez ses parents :
« Ce n’est pas facile tous les jours, parfois je considère tout cela comme un échec, je dois rendre des comptes, on me fait comprendre tous les jours qu’une femme divorcée est une femme qui a fauté, parfois sans qu’ils ne s’en rendent compte … un tas de choses me blessent, mais le sourire de ma fille me ressource et j’espère l’élever dans de bonnes conditions… »
Quand à savoir ce qui l’a le plus aidé dans cette épreuve, la réponse est sans appel
« Le travail…depuis que je me lève le matin, et que j’accompagne ma fille à l’école et que je vais passer ma journée au travail…parfois j’ai des journées épuisantes….Mais c’est salvateur, et je pense à autre chose ».
Mais pour Radia, avoir divorcé reste un soulagement « la vie est différente, plus-compliquée… Ma vie est plus importante que le jugement d’autrui »
SAMIA(*), quant à elle a divorcé à l’âge de 50 ans. La cause :
«On est resté ensemble pour les enfants…on ne partageait plus rien depuis des années, mais on a fait le choix de faire semblant…je ne sais pas si ça a apporté quelque chose aux enfants, mais c’est plus simple aujourd’hui ».
Ses enfants n’ont pas bien vécu ce choix, mais Samia tient à préciser que cette décision était d’un commun accord
«On croit à tord qu’à partir d’un certain âge, on est condamnés à vivre une vie qui ne nous convient pas…je suis heureuse aujourd’hui, je m’occupe de moi, je voyage et je ne suis puis obligée de partager le quotidien d’un homme qui m’est devenu étranger au fil des années… »
Pour Samia, le plus difficile fut affronter le Tribunal et toute la procédure qu’elle trouve «Humiliante même pour un couple qui divorce à l’amiable ». Ce qui l’a le plus aidé «Considérer que ma vie est plus importante que le jugement des autres ».
Bien des cas sont plus complexes que ces deux procédures déjà assez douloureuses. Combien de femmes se retrouvent jetés à la rue, avec leurs enfants, sans aucune aide et sans soutien familiale. Le Code de la famille, bien qu’ayant sensiblement évolué, reste bien loin de la réalité de la vie de centaines de milliers de foyers et de femmes, se retrouvant souvent en marge d’une société patriarcale, avec quelques lois pour les protéger, rarement appliquées grâce à différents subterfuges trouvés pour les détourner.
Le divorce est une expérience qu’on peut vivre de différentes manières, selon le soutien que nous apportent nos proches, le contexte familial et social, le niveau d’indépendance financière et d’autres paramètres à prendre en compte. Cependant, Divorce n’est en aucun cas synonyme de fin de vie.
On en sort blessés, épuisé, le cœur lourd, mais une nouvelle vie s’offre à nous, notre deuxième chance, celle de ne pas pousser l’erreur, celle qui nous permet de nous retrouver, de nous reprendre en main, d’avancer et de reconstruire sur les ruines de ce passé qui fera toujours partie de nous, mais qui sera une leçon de vie, une étape qu’on a du franchir pour devenir qui nous sommes aujourd’hui.
(*)NDLR : Les noms des témoins et conjoints ont été modifiés pour des raisons de confidentialité.
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