Un livre, une particularité
Chez PAPERBAGG, nous sommes particulièrement attirés par les ouvrages rares et uniques se démarquant par leur singularité. Ceux dénichés ce mois sont susceptibles de vous étonner et vous surprendre. Accrochez-vous, c’est parti pour une sélection littéraire pas comme les autres…
Jouons !
Voici le principe : Vous aimez les devinettes ? Parfait, car cet article sera construit sur des indices qui vous aideront à trouver vous-même la particularité des livres présentés. Ces particularités sauteront aux yeux de certains, pendant que d’autres chercheront au mauvais endroit. On vous laisse avec la suite de l’article et nos énigmes littéraires.
Premier livre : Le train de nulle part de Michel Dansel
Premier indice : Analysez cet extrait
« Quelle aubaine ! Une place de libre, ou presque, dans ce compartiment. Une escale provisoire, pourquoi pas ! Donc, ma nouvelle adresse dans ce train de nulle part : voiture 12, 3ème compartiment dans le sens de la marche. Encore une fois, pourquoi pas ? – Bonjour Messieurs Dames. Un segment du voyage avec vous ! Ou peut-être pas ! Tout comme la totalité de l’itinéraire, du moins le mien ! »
Vous avez trouvé ? Pas encore? Ce n’est pas grave, le deuxième indice vous guidera peut être vers la bonne réponse !
Deuxième indice : De quoi est composée une phrase ? Creusez dans ce sens et relisez l’extrait.
Solution : Bravo ! Effectivement, ce livre a la folle particularité de ne contenir AUCUN VERBE ! Mais vraiment aucun ! Nothing ! Nada ! Welou ! Il fallait quand même y penser, sur les 233 pages, l’auteur, sous le pseudonyme de Michel Thaler, a pu relever le défi fou de ne construire que des phrases nominales, parfois même moins que cela. Sorti en 2004, « Le train de nulle part » fait preuve d’une grande audace qui défie clairement les autres auteurs. Cet ouvrage est d’autant plus impressionnant car la lecture n’en reste pas moins agréable ni difficile, bien au contraire c’est un véritable plaisir à déguster, les yeux pétillants d’admiration pour cette œuvre des plus uniques au monde !
Mot de l’auteur :
« Le verbe est comme une mauvaise herbe dans un champ de fleurs. Il faut s’en débarrasser pour permettre aux fleurs de croître et prospérer. Mon livre est une révolution dans l’histoire de la littérature. Il est le premier livre de son genre. Il est audacieux, moderne et est à la littérature ce que les mouvements surréalistes étaient à l’art. » Michel Dansel
On tolère sa prétention, car cette belle œuvre aura révolutionné à coup sûr la littérature. Vous êtes invités à en juger par vous-même…
Deuxième livre : La disparition de Georges Perec
La particularité de cet ouvrage est un peu plus difficile, voire impossible à trouver n’étant pas du tout évidente, on vous laisse tout de même tenter de la débusquer.
Premier indice : analysez cet extrait
« Anton Voyl n’arrivait pas à dormir. Il alluma. Son Jaz marquait minuit vingt. Il poussa un profond soupir, s’assit dans son lit, s’appuyant sur son polochon. Il prit un roman, il l’ouvrit, il lut; mais il n’y saisissait qu’un imbroglio confus, il butait à tout instant sur un mot dont il ignorait la signification. Il abandonna son roman sur son lit. Il alla à son lavabo; il mouilla un gant qu’il passa sur son front, sur son cou. Son pouls battait trop fort. Il avait chaud. Il ouvrit son vasistas, scruta la nuit. Il faisait doux. Un bruit indistinct montait du faubourg. Un carillon, plus lourd qu’un glas, plus sourd qu’un tocsin, plus profond qu’un bourdon, non loin, sonna trois coups. Du canal Saint-Martin, un clapotis plaintif signalait un chaland qui passait. Sur l’abattant du vasistas, un animal au thorax indigo, à l’aiguillon safran, ni un cafard, ni un charançon, mais plutôt un artison, s’avançait, traînant un brin d’alfa. Il s’approcha, voulant l’aplatir d’un coup vif, mais l’animal prit son vol, disparaissant dans la nuit avant qu’il ait pu l’assaillir. »
Cela ne vous aide pas du tout, on comprend, mais peut-être que le prochain indice le fera…
Deuxième indice : Il faut chercher dans l’alphabet…
Solution : Vous avez trouvé? Vous êtes un(e) champion(ne)! Ce récit de 300 pages, ne contient pas une seule fois la lettre « e » Un challenge plutôt difficile, mais relevé fièrement et sans la moindre bavure par la plume gracieuse de Georges Perec. À la sortie de l’ouvrage en 1969, aucune indication du procédé employé n’était fourni, il revenait au lecteur de comprendre ce qui « avait disparu ». Seul le nom de l’auteur restait écrit normalement.
De nombreux indices mettaient cependant le lecteur sur la voie, parmi eux l’inscription, sur la couverture de l’édition originale, d’un grand “e”, ainsi que la définition de la chose disparue, « un rond pas tout à fait clos, fini par un trait horizontal », évoquant la forme du « e » minuscule. Le « E » majuscule quant à lui est décrit à plusieurs reprises comme un trident ou une patte de canard.
Georges Perec se joue ici des contraintes avec amusement et multiplie les clins d’œil à la lettre “e”, à titre d’exemple « ni une, ni deux » se transforme pour les besoins du livre en « ni six moins cinq, ni dix moins huit », et « prenant ses cliques et ses claques », devient « ayant pris son clic sans pour autant qu’il omît son clac ». l’auteur se met même au défit d’écrire quelques paragraphes sous la contrainte supplémentaire de faire disparaître la lettre “a” en plus du “e”.
Bonus : Georges Perec a également écrit une antithèse de l’ouvrage 3 ans plus tard, « Les Revenentes » qui comporte comme unique voyelle la lettre « e ». Cette particularité se remarque en premier lieu au titre, volontairement mal orthographié.
Que vous ayez deviné ou pas, faites-le nous savoir et dites-nous lequel de ces challenges littéraires vous a le plus impressionné. Nous espérons vous avoir fait découvrir ces perles rares, sans pour autant vous en avoir gâché la lecture car, il faut l’avouer, elle deviendra une véritable chasse à l’erreur ! Qui sait, peut-être en trouverez-vous dans l’un ou dans l’autre …
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