Une vague rétrograde s’est abattue sur le féminisme depuis quelques années. Zoom sur ce mouvement historique qui semble s’être transformé en paradoxe aux yeux de tous et qui soulève de nombreuses controverses.
UN MOT QUI FÂCHE :
Le féminisme, diabolisé ces dernières années, devient un mot impopulaire et tabou, qui évoque à ceux qui l’entendent une représentation caricaturale de femmes hystériques querelleuses et haineuses en quête de plus de pouvoir, plus de droits et voire même de la suprématie féminine. Certains iront jusqu’à traiter les féministes de « Féminazi » un nouveau mot qui trouve sa place dans le dictionnaire urbain et qui en dit long sur la vision de la société sur le féminisme. Certaines femmes ,bien que défendant l’égalité des sexes, but ultime du féminisme, refusent de s’associer à ce mouvement par gène ou par peur de se voir attribuer cette étiquette avec tout ce qui s’en suit comme stéréotypes. Chose qu’a subit l’ambassadrice des droits des femmes à l’ONU, Emma Watson, à qui on avait conseillé avant son célèbre discours de ne pas utiliser le mot féministe, un conseil qu’elle a fort heureusement ignoré : “J’ai décidé
que j’étais féministe. Mais visiblement, cela est devenu impopulaire…”
OSEZ LE FÉMINISME !
Malgré le nombre croissant d’anti féministes, le féminisme garde de nombreux protagonistes et portes paroles qui oeuvrent à restaurer la valeur de ce dernier et à mettre les points sur les i : “À un moment, le terme « féministe » est devenu péjoratif. Comment est-ce possible ? Être féministe, c’est tout simplement dire que l’on est humaniste.” affirme Julianne Moore, “Je me considère comme féministe… N’est-ce pas le mot pour désigner une personne qui se bat pour les droits des femmes ?” dit le Dalaï Lama dénonçant la futilité du refus de s’identifier comme féministe. Le chanteur John Legend déclare quant à lui : ” Tous les hommes devrait être féministes. Si les hommes se souciaient des droits des femmes le monde serait un meilleur endroit “. “Nous ne devrions pas avoir peur du mot féminisme, qui signifie tout simplement l’’égalité des droits et des chances entre les hommes et les femmes”, dit Justin Trudeau : “De par l’héritage de mes parents, mon identité de fier féministe est profonde ” des paroles qui démontrent l’importance du rôle des parents dans l’éducation des principes d’égalité, la déconstruction des rôles genrés et dans la démystification du féminisme .
HALTE AUX IDÉES REÇUS !
C’est attristant de constater que l’on ne retient de ce mouvement historique que le coté trash et scandale, une féministe est automatiquement perçue comme une fouteuse de trouble, exhibitionniste, allergique au rasoir et qui voue une haine sans fin à la gente masculine, mise au point sur les plus gros mythes et stéréotypes.
Les féministes détestent les hommes : Le plus vieux mythe concernant les féministes est bel et bien faux, les féministes ne détestent pas les hommes, le féminisme oeuvrant pour les deux sexes et non pour un genre en dépit d’un autre comme l’affirme Emma Watson lors de son premier discourt à l’ONU : “Les hommes et les femmes devraient avoir tous deux le droit d’être sensibles. Les hommes et les femmes devraient avoir tous deux le droit d’être forts. Il est temps de considérer le genre comme un spectre et non plus comme deux idéaux opposés”.
Les féministes veulent la suprématie féminine : Faux,les femmes féministes ne veulent ni dominer ni être dominée, ce mouvement est loin d’être fasciste et combat même le fascisme et le patriarcat qui est la suprématie masculine encrée dans la société depuis des siècles et qui entrave la liberté des femmes. La suprématie féminine n’est pas à confondre avec le Girl Power qui est un mouvement social inspiré du féminisme et qui pousse les femmes à être fortes, à réussir et à se soutenir entre elles contrairement à ce que disent les médias conservateurs.
Le féminisme victimise les femmes : Faux, le féminisme ne «victimise» en aucun cas les femmes, ceux qui le pensent confondent certainement avec le sexisme ainsi que le nom victime avec l’adjectif faible. Ceci dit, il est difficile de ne pas considérer les femmes comme victimes quand elles font souvent l’objet d’harcèlement, de violences physiques et verbales , quand les femmes sont perçues comme des objets a posséder et à contrôler ou comme des bouts de viandes à consommer, ce qui est, soyons honnêtes, assez répondu dans la société actuelle et ce dans le monde entier. L’incapacité de voir ces femmes là comme des victimes nous empêche par la suite de pointer du doigt les bourreaux et les criminels .
Les féministes sont en colère : Vrai ! Oui les féministes sont en colère, comment ne pas l’être face à des statistiques alarmantes ? Face aux discriminations et aux inégalités, face à la violence et à l’hostilité encore présentent après des siècles de combat ? La colère n’est pas négative elle est saine et humaine “Oui je suis une femme en colère, j’adore les femmes en colère ! Les femmes en colère sont des femmes libres ” Mona Eltahawy.
Le féminisme est un mouvement réservé aux femmes : Faux, Les hommes sont tout aussi concernés par le féminisme que les femmes. Femmes et hommes doivent s’unir pour mettre fin aux discriminations et aux représentations archaïques qui ralentissent le développement de la société. “Ce que le féminisme signifie selon moi, c’est qu’il ne faut pas laisser notre genre définir qui nous sommes. Vous pouvez être qui vous souhaitez, peu importe que vous soyez un homme, une femme, un garçon ou une fille. Donc oui, je me considère comme étant féministe” Joseph Gordon.
Une féministe doit se restreindre à un certain style pour être libre : Faux! Le féminisme ne dicte ni ne critique en aucun cas le mode de vie ou la façon de s’habiller de quiconque. Libre à vous vivre comme il vous chante, car le féminisme appelle principalement et avant tout à la liberté entière des choix, comme le dit Lena Dunham : “Une grande part du combat féministe est de donner aux autres femmes la liberté de faire des choix que l’on n’aurait pas forcément fait pour soi.”
LE VRAI COMBAT :
A trop s’attarder sur des clichés débités par des personnes sexistes ou mal informés et à cause de l’image floue et négative véhiculée par les médias ou par quelques féministes dites extrémistes à l’instar des militantes du célèbre mouvement Ukrainien Femen, on en vient à oublier les vrais valeurs du féminisme, et à s’éloigner du véritable sens de ce mouvement et les objectifs de ce combat : «Le féminisme est un ensemble de mouvements et d’idées politiques, philosophiques et sociales, qui partagent un but commun : définir, établir et atteindre l’égalité politique, économique, culturelle, personnelle, sociale et juridique entre les femmes et les hommes. » voilà la seule et unique définition du féminisme. Bien évidemment le féminisme est bien plus que quelques lignes et quelques grands mots. C’est un combat vaste mené au quotidien, de différentes manières par des femmes ET des hommes aux quatre coins du monde. Les exemples de ce mouvement international ne manquent pas comme en Inde ou le Gulabi Gang, un groupe d’activistes justicières se bat pour les victimes d’abus et apprend aux femmes à se défendre, au Kenya ou un groupe d’hommes Maasaïs se bat contre la mutilation génitale féminine et pour la suppression définitive de cette pratique barbare; en Afghanistan où Women for Afghan Women soutient et héberge les victimes de violences domestiques et les femmes qui échappent aux mariages forcés malgré les menaces de mort .
Pourquoi avons-nous besoin du féminisme ?
L’inaction, l’ignorance et l’indifférence empêchent l’amélioration de la situation des filles et des femmes dans le monde, encore sujettes à de nombreuses discriminations, inégalités et violences. Les chiffres le prouvent : l’Unesco affirme que plus de la moitié des enfants non scolarisés sont des filles, 31 millions de filles sont encore non scolarisées à travers le monde. Selon l’OMS près de 35% des femmes et filles sont exposées à une forme de violence physique et/ou sexuelle au cours de leur vie ; plus de 700 millions de jeunes filles dans le monde ont été victimes de mariages précoces ; au moins 200 millions de filles et de femmes en vie aujourd’hui ont subi des mutilations génitales dans 30 pays, les filles de 14 ans et moins représentent 44 millions du total des personnes excisées selon des données de l’Unicef .
Nous avons besoin du féminisme pour changer cette situation. Nous avons besoin du féminisme pour supprimer les stéréotypes, pour l’égalité, pour l’union, chaque voix même lointaine peut faire la différence et chaque pas même petit nous fait avancer vers un monde meilleur.
“Vous êtes des étoiles dans le ciel et le monde vous regarde. Par votre présence, vous envoyez un message à chaque village, chaque ville et chaque pays. Un message d’espoir. Un message de victoire” Eunice Kennedy Shriver.
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